Dans l’étude de la question des « ministères féminins », il faut s’interroger sur le point de départ de l’inventaire des données bibliques. Ce que l’on fait souvent, c’est de démarrer avec les textes apparemment restrictifs, et de terminer avec eux, sans avoir été voir ailleurs. Cette démarche présente l’inconvénient de nous faire passer à côté de beaucoup d’autres données, qui portent, pour certaines, sur des aspects plus fondamentaux des ministères que tel ou tel verset biblique isolé.

L’Évangile de Matthieu, par exemple, dans sa définition de la communauté des disciples de Jésus traite de questions aussi essentielles que la mission des disciples et la régulation des relations dans la communauté. Il peut donc constituer un point de départ intéressant.

La communauté des disciples, pour Matthieu, a pour modèle le groupe des Douze. C’est avec les Douze que nous sommes invités à parcourir le chemin du disciple et à comprendre ce que Jésus attend de nous. Mais pour que l’on ne pense pas que ce modèle des Douze ne nous concerne pas, Matthieu montre comment de nombreux hommes et femmes, qui ne sont pas nécessairement appelés « disciples », agissent comme des disciples, ou des disciples potentiels. On peut citer la belle-mère de Pierre qui se lève et se met au service de Jésus ; le centurion romain qui met en œuvre une foi remarquable ; et bien d’autres, jusqu’aux femmes « témoins apostoliques » de la résurrection de Jésus, qui portent la bonne nouvelle aux Douze.



La stratégie pédagogique de Matthieu est donc grosso modo la suivante : les lecteurs sont invités à s’identifier aux Douze, dont le parcours va leur montrer ce que signifie être disciple de Jésus. Mais pour que le modèle ne soit pas distant ni exclusif, des exemples précis sont donnés d’hommes et de femmes qui entrent dans cette démarche de disciple et même qui la conduisent jusqu'au point de témoigner du Christ ressuscité aux Douze eux-mêmes, devenant ainsi, selon l’expression de N.T. Wright, « apôtres pour les apôtres ».

Cela signifie qu’a priori, le programme de formation de l’Évangile de Matthieu n’envisage pas de restriction liée au sexe de la personne en matière d’engagement et de mission de disciple. Lorsque Matthieu parle de la mission des disciples, de l’autorité qui leur est donnée de guérir, de prêcher (ch.10), il ne part d’aucune restriction préalable. Lorsque Matthieu parle de la gestion des relations dans l’Église (ch.18 ; dans une certaine mesure, on pourrait parler ici de gestion « pastorale » des relations et des conflits), il n’envisage aucune restriction préalable.

Il y a là un point de départ intéressant. L’Évangile de Luc le présente à sa manière, particulièrement insistante, qu’il faudra aussi étudier.