Christophe Paya - Un blog théologique et pratique

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

jeudi 28 octobre 2010

Le stress chez les pasteurs américains

Pasteur_1.jpg

Au mois d'août (2010), le New York Times (1/082010) a rendu compte de différentes études portant sur la condition physique et morale des pasteurs aux Etats-Unis. Les résultats ne sont pas très encourageants, et la manière d'en rendre compte n'est pas sans dramatiser la situation. Apparemment, les taux "d'obésité, d'hypertension et de dépression" sont plus élevés parmi les membres du clergé que dans le reste de la population; de même pour l'arthrite, le diabète, la tension et l'asthme (en tout cas chez les pasteurs méthodistes, d'après une étude de 2007). L'usage d'antidépresseur est en hausse (parmi les membres du clergé) et l'espérance de vie en baisse... De grands noms sont concernés, puisque le fameux auteur et pasteur John Piper a annoncé en mars 2010 une interruption de ministère de 8 mois pour surcharge de travail.


Différents facteurs sont montrés du doigt:

- Les nouveaux moyens de communication, téléphones portables, réseaux sociaux, qui ajoutent au stress ordinaire.
- Le fait que certains pasteurs ne prennent pas les vacances auxquelles ils ont droit.
- L'incapacité à gérer le rapport aux besoins et demandes des autres.
- Le surcroît d'activité lié au vieillissement des Eglises, à la diminution du nombre de bénévoles, au travail du conjoint du pasteur.
- Le devoir de croissance, qui guide le fonctionnement de bon nombre d'Eglises.
- Etc.

Il paraît d'ailleurs que la situation des rabbins et des imams est analogue...

La solution proposée: la déconnexion, non seulement du réseau mais aussi de l'activité pastorale en générale; la redécouverte du rythme sabbatique de la vie humaine, avec ses temps d'activité et ses temps de pause. Bref, sagesse et équilibre... Ce qui paraît être un bon conseil, valable pour tout le monde.

Quoi qu'il en soit, le tableau ne doit pas être dramatisé. Tout d'abord, les moyennes recouvrent des situations très différentes les unes des autres. Ensuite, le magazine Christianity Today, il y a quelques années, puis tout récemment Les Cahiers de l'Ecole Pastorale ont publié des articles de pasteurs heureux (n°75, 2010) !

Mais ne pourrait-on pas aussi suggérer que les pasteurs, par leur proximité avec les difficultés humaines, deviennent en quelque sorte représentatifs de la situation de la société moderne et de ses particularités. Alors peut-être est-ce à eux aussi, en réponse, de prêcher et de montrer la voie de la sagesse et de l'équilibre...

lundi 29 octobre 2007

Ministères féminins : les données de Luc

On sait que les personnages féminins occupent davantage de place dans l’Évangile de Luc que dans les trois autres évangiles. Luc mentionne notamment, dans des récits qui lui sont propres, plusieurs femmes qui sont au bénéfice du ministère de Jésus (Lc 7.36-50 : la femme au parfum ; Lc 8.1-3 : Marie de Magdala, Jeanne, Suzanne, bénéficiaires du ministère de guérison et de délivrance de Jésus ; Lc 13.11-17 : la femme infirme). De même, les figures féminines font partie, d’une manière qui est propre à Luc, de la « matière première » d’enseignements et de paraboles : Lc 4.26 (la veuve de Sarepta) ; 13.20-21 (la femme au levain) ; 15.8-10 (la femme à la pièce d’argent) ; 17.35 (les deux femmes qui moudront) ; 18.1-8 (la veuve importune).

Mais cette présence féminine ne s’arrête pas là et se prolonge dans l’action : les disciples femmes de Luc ont leur place dans le cadre du ministère de Jésus : Marie de Magdala, Jeanne, Suzanne, qui servent de leurs biens (Lc 8.1-3) ; Marthe et Marie (Lc 10.38-42) ; les femmes de la Passion (23.49 ; 23.55-24.12, leurs déclarations sont en 24.10-11) ; voir aussi les déclarations de Marie, d’Élisabeth et Anne (Lc 1-2).

Il arrive d’ailleurs parfois à Luc, comme l’ont noté les exégètes, de présenter ses personnages par paires homme-femme (voir l’officier romain de 7.1-10 et la veuve de Naïn de 711-17 ; l’homme aux brebis de 15.3-7 et la femme aux pièces d’argent de 78-10).

Ce schéma se prolonge dans le second volume de Luc, le livre des Actes des apôtres, où des femmes ou des paires hommes-femmes sont au bénéfice du ministère des apôtres : paire Énée-Tabitha, bénéficiaires du ministère de Pierre (Ac 9.32-42) ; la servante à l’esprit pythique, bénéficiaire du ministère de Paul (Ac 16.16-18) ; des femmes bénéficiaires du ministère de Paul (Ac 17.4, 12, 34).

Comme dans l’Évangile de Luc, ce schéma se prolonge jusque dans l’exercice des ministères, où hommes et femmes collaborent sans que des distinctions particulières soient signalées : dans la prière, paire hommes-femmes (1.14) ; des femmes aisées, bienfaitrices, nommément citées (Tabitha, Marie, Lydie ; 9.36, 39 ; 12.12 ; 16.15) ; collaboration avec Paul d’Aquilas et Priscille (18.2) ; les filles prophétesses de Philippe (21.9).

mercredi 3 octobre 2007

Job satisfaction

Selon une récente étude de l'Université de Chicago, les pasteurs (membres du clergé dans l'étude) font partie des personnes qui se disent les plus satisfaites de leur activité professionnelle. L'étude, réalisée sur une durée de 18 ans, porte plus généralement sur deux critères : appréciation de son travail et "bonheur". Ils s'avèrent que les pasteurs sont à 87,2 % satisfaits de leur travail (contre 47 % pour la moyenne de la population) et se disent "très heureux" à 67,2 % (contre 33,3 % pour la moyenne de la population). Au bas de l'échelle de satisfaction, on trouve les couvreurs, les serveurs et les barmans.

L'auteur de l'étude rappelle que d'autres enquêtes montrent que la satisfaction professionnelle et le bonheur sont normalement liés au prestige de l'activité accomplie. D'où le problème que posent les réponses des pasteurs. Plusieurs éléments d'explication ont été avancés, en particulier le sentiment d'utilité : appartenir à une profession qui vient en aide aux autres. L'auteur de l'enquête s'oriente plutôt vers la notion de vocation. La vocation, dans la pensée de Luther, concernait tous les croyants. Mais dans cette égalité de vocation, certains semblent plus égaux que d'autres. Les pasteurs, en tout cas dans certaines Eglises, sont les croyants dont la vocation est prise le plus au sérieux, au sens où elle est étudiée, vérifiée; où elle fait l'objet d'une prise en compte spécifique, où elle est reconnue; ce qui amène le candidat pasteur, au bout du compte, à une conscience relativement forte de sa vocation, et à un exercice de sa profession comme une réponse à cette vocation.

On pourrait ajouter, même si l'auteur ne le dit pas, que dans le contexte nord-américain, la profession de pasteur garde probablement un certain prestige et fait l'objet d'une "reconnaissance" financière correcte. Mais il faudrait aussi ajouter, pour le contexte français qui ne connaît généralement pas ces deux éléments, les "points forts" de l'activité du pasteur (dont certains peuvent également être source de difficultés...) :

- Liberté de parole.
- Responsabilité.
- Liberté d'organisation du travail.
- Relations humaines.
- Etc.

jeudi 3 mai 2007

John Stott part à la retraite

John_Stott_1.jpg À 86 ans, John Stott annonce qu’il prend sa retraite et met un terme à son ministère public. Il quitte l’appartement londonien dans lequel il a vécu pendant son long ministère à All Souls, son Église du centre de Londres, pour s’installer dans une maison de retraite pour pasteurs anglicans dans le Sud de l’Angleterre. On ne peut que souhaiter une bonne retraite à celui qui incarne l’engagement évangélique dans ce qu’il a de meilleur : enracinement théologique, engagement ecclésial, partenariats internationaux. Concernant son organisation internationale Langham Partnership International, dont le but est d’aider les Églises dans le domaine de la formation théologique, le flambeau a déjà été transmis à Christopher Wright.

Une biographie récente en deux volumes retrace le remarquable parcours de John Stott : John Stott. The Making of a Leader : A Biography of The Early Years (vol. 1) ; John Stott. A Global Ministry : A Biography of the Later Years (vol. 2), de Timothy Dudley-Smith (InterVarsity Press, 1999, 2001).

jeudi 5 avril 2007

Ministères féminins : Données évangéliques

Dans l’étude de la question des « ministères féminins », il faut s’interroger sur le point de départ de l’inventaire des données bibliques. Ce que l’on fait souvent, c’est de démarrer avec les textes apparemment restrictifs, et de terminer avec eux, sans avoir été voir ailleurs. Cette démarche présente l’inconvénient de nous faire passer à côté de beaucoup d’autres données, qui portent, pour certaines, sur des aspects plus fondamentaux des ministères que tel ou tel verset biblique isolé.

L’Évangile de Matthieu, par exemple, dans sa définition de la communauté des disciples de Jésus traite de questions aussi essentielles que la mission des disciples et la régulation des relations dans la communauté. Il peut donc constituer un point de départ intéressant.

La communauté des disciples, pour Matthieu, a pour modèle le groupe des Douze. C’est avec les Douze que nous sommes invités à parcourir le chemin du disciple et à comprendre ce que Jésus attend de nous. Mais pour que l’on ne pense pas que ce modèle des Douze ne nous concerne pas, Matthieu montre comment de nombreux hommes et femmes, qui ne sont pas nécessairement appelés « disciples », agissent comme des disciples, ou des disciples potentiels. On peut citer la belle-mère de Pierre qui se lève et se met au service de Jésus ; le centurion romain qui met en œuvre une foi remarquable ; et bien d’autres, jusqu’aux femmes « témoins apostoliques » de la résurrection de Jésus, qui portent la bonne nouvelle aux Douze.



La stratégie pédagogique de Matthieu est donc grosso modo la suivante : les lecteurs sont invités à s’identifier aux Douze, dont le parcours va leur montrer ce que signifie être disciple de Jésus. Mais pour que le modèle ne soit pas distant ni exclusif, des exemples précis sont donnés d’hommes et de femmes qui entrent dans cette démarche de disciple et même qui la conduisent jusqu'au point de témoigner du Christ ressuscité aux Douze eux-mêmes, devenant ainsi, selon l’expression de N.T. Wright, « apôtres pour les apôtres ».

Cela signifie qu’a priori, le programme de formation de l’Évangile de Matthieu n’envisage pas de restriction liée au sexe de la personne en matière d’engagement et de mission de disciple. Lorsque Matthieu parle de la mission des disciples, de l’autorité qui leur est donnée de guérir, de prêcher (ch.10), il ne part d’aucune restriction préalable. Lorsque Matthieu parle de la gestion des relations dans l’Église (ch.18 ; dans une certaine mesure, on pourrait parler ici de gestion « pastorale » des relations et des conflits), il n’envisage aucune restriction préalable.

Il y a là un point de départ intéressant. L’Évangile de Luc le présente à sa manière, particulièrement insistante, qu’il faudra aussi étudier.

mercredi 7 mars 2007

Ministère pastoral : à propos de la vocation

Letters_new_pastors.jpgDans son livre Letters to New Pastors (Grand Rapids, Eerdmans, 2006), que je suis en train de lire, Michael Jinkins répond par des lettres fictives aux questions que se posent des pasteurs fraîchement entrés en fonction. À l’un d’entre eux qui lui demande : « dans quel pétrin me suis-je fourré ? », il commence par parler de vocation : si vocation il y a, ce n’est pas le pasteur qui s’est mis dans cette situation, mais Dieu qui l’y a placé. Calvin disait à propos de la vocation « intérieure » (celle de la conscience de la personne) : « Or cette vocation secrète est une bonne assurance que nous devons avoir en notre cœur, que ce n’a point été par ambition ni par avarice que nous avons pris cet état, mais d’une vraie crainte de Dieu, et par un bon zèle d’édifier l’Église. » (Institution, Livre IV, ch. 3, § 11).

Jinkins, pour rappeler au jeune pasteur sa vocation, parle des personnes de l’Église qui ont reconnu en lui cette vocation. C’est en effet sûrement un des moyens importants par lesquels naît ou se confirme la vocation intérieure. À propos de cette vocation, Reinhold Niebuhr écrivait (cité par Jinkins) : « Malgré toutes les faiblesses de l’Église et les limitations professionnelles du ministère, où d’autre peut-on investir sa vie de sorte qu’elle soit aussi utile dans autant de domaines ? Voilà une tâche qui exige la connaissance d’un sociologue, la perspicacité et l’imagination d’un poète, les capacités d’action d’un homme d’affaire et la discipline mentale d’un philosophe »...